Évaluer l’impact des pratiques de maraîchage sur la qualité de l’eau

En Alsace, outre les pesticides utilisés en agriculture, les nitrates constituent la deuxième cause importante de dégradation de la qualité de l’eau, avec un impact sur la santé humaine et l’environnement. Les nitrates, transformés en nitrites dans l’organisme humain, peuvent générer chez le nourrisson le blocage du transport d’oxygène et une asphyxie. Les nitrates sont une des causes d’eutrophisation des eaux par stimulation du développement d’organismes nitrophiles conduisant à une consommation accrue d’oxygène pénalisant les populations de poissons et de crustacés et modifiant les équilibres écologiques des milieux aquatiques.

Il est utile de rappeler les seuils de qualité de l’eau en termes de concentration en nitrates (source : État de la nappe phréatique d’Alsace et des aquifères du Sundgau, premiers résultats sur les nitrates et les pesticides – 2016, par l’APRONA) : la teneur de 10 mg/litre représente la teneur de référence des eaux naturelles. Au-delà et jusqu’à 40 mg/litre, se situent les valeurs guides, indicatives. Elles visent l’atteinte du bon état de la ressource en eau en tenant compte des enjeux environnementaux, sanitaires et du type de ressource. Pour la nappe phréatique d’Alsace, la valeur est fixée à 25 mg/litre. La limite de qualité environnementale est fixée à 50 mg/litre avec un seuil d’alerte à 40 mg/litre. La limite de qualité sanitaire (consommation humaine) est fixée à 50 mg/litre par le code de la santé publique.

Limiter les pertes d’azote par le recours à des pratiques agronomiques adaptées

Dès sa conception en 2013, le projet SEFerSol prévoyait d’observer l’impact sur la qualité de l’eau de systèmes de culture innovants de maraîchage biologique destinés à améliorer la fertilité du sol. Dans une situation de sol drainant (sol sablo-limoneux peu profond), le recours à du travail du sol intensif en maraîchage couplé à d’importants apports de matières organiques (composts, engrais) peut présenter des risques de pertes d’azote, que la réduction du travail du sol, l’ajustement des apports organiques, la couverture du sol et la présence accrue d’engrais verts et couverts végétaux par exemple dans les systèmes de culture innovants peut permettre de limiter.

Les engrais verts, outil agronomique précieux pour fixer les ions issus de la minéralisation des matières organiques.

En 2015, année de lancement de l’expérimentation systèmes SEFerSol, il était prévu d’installer sous une des parcelles un réseau de bougies poreuses capables de récupérer les eaux de drainage en profondeur (90cm) afin d’en mesurer la concentration en nitrates. Ce dispositif n’a pu être installé qu’en septembre 2017.

Modélisation des risques de perte d’azote

En attendant, les mesures régulières de reliquats azotés (ions nitrates et ions ammoniums) réalisées depuis 2015 dans les 20 premiers centimètres de sol ont permis courant 2017 de faire une première évaluation des risques de perte d’azote sous les parcelles des trois systèmes de culture testés.

Marie Baelen, étudiante en stage au Pôle Maraîchage en 2017 a utilisé le modèle de Burns pour établir le niveau de risque de chaque système de culture en termes de pertes d’azote (concentration en nitrates lixiviés), avec l’appui de la chambre d’agriculture d’Alsace et l’Association pour la relance agronomique en Alsace.

Les conclusions de son travail, issues de 2 années de collecte de données (2015 et 2016), à prendre donc avec recul, laissaient entrevoir une tendance pour les deux systèmes innovants à réduire le maximum de nitrates potentiellement lixiviés dans la lame d’eau drainante. Le SdCi2 ENGRAIS VERT MAX semblait apporter la plus forte réduction (53% de réduction par rapport au SdC1 REFERENCE), probablement en raison de la forte présence d’engrais verts dans les successions de culture et de l’absence de fertilisation organique.

2017 : installation des bougies poreuses

Le principe de fonctionnement des bougies poreuses est simple : il s’agit de têtes en céramique montées sur des tubes PVC. L’ensemble est muni de deux tuyaux de faible diamètre permettant de récupérer l’eau de drainage. Le tout est assemblé pour assurer une parfaite étanchéité (pas d’entrée d’air ni d’eau).

Après vérification de leur bon fonctionnement, 24 bougies ont été installées à 90 cm de profondeur, dans des fosses de la première parcelle d’expérimentation (SEFerSol1). Cela représente 8 bougies pour chacun des trois systèmes de culture.

Après rebouchage des fosses, l’engrais vert semé début septembre 2017 sur les deux SdC innovants a été resemé sur la zone chamboulée courant octobre. Un engrais vert a également été semé sur les planches du SdC1 REFERENCE.

Photo prise mi-janvier 2018, on devine bien l’engrais vert resemé en octobre après fermeture des fosses (ici les planches du SdC CONSERVATION DU SOL).

2018 : premiers prélèvements d’eau

Après une année complète durant laquelle le sol a pu se réorganiser, l’installation de récupération des eaux de drainage a été finalisée à l’automne 2018 afin de réaliser les premières collectes.

Depuis décembre 2018, 7 prélèvements ont été réalisés, à un intervalle moyen de 15 jours entre chaque prélèvement. L’objectif est de récupérer de l’eau de drainage pendant toute la période de drainage (octobre à juin approximativement). Pour chaque prélèvement, une dépression est appliquée dans la bougie poreuse (-700 mbars) et maintenue pendant 48 heures. Au bout de ce délai, la dépression qui a permis l’aspiration d’eau présente autour de la tête en céramique est arrêtée et l’eau entrée dans la bougie est récupérée, mesurée (volume) et envoyée au laboratoire pour analyse de concentration en nitrates.

L’installation donne satisfaction. Seules 3 des 24 bougies n’ont pas permis de récupérer d’eau pour le moment.

Matériel nécessaire au prélèvement des eaux de drainage

Les plantes vivantes, pièges à nitrates pendant l’hiver

Il est trop tôt pour analyser d’éventuelles différences entre les SdC et interpréter les premiers résultats. Il est intéressant de noter que jusqu’à la fin de récolte des poireaux mi-mars 2019, on a observé pour les 3 SdC une différence de concentration en nitrates des eaux de drainage entre les planches où les poireaux étaient complètement récoltés (teneurs en nitrates plus élevées, approchant ou dépassant le seuil de potabilité) et celles où les poireaux n’étaient pas encore récoltés (concentration inférieures à 10 mg/litre) confirmant que les plantes vivantes en hiver jouent un rôle important dans la fixation des nitrates issus de la minéralisation, a fortiori quand leur système racinaire est bien développé, ce qui est le cas de la culture de poireaux plantée en juin 2018.

Vue de la parcelle SEFerSol1 en février 2019. La série 2 de poireaux n’est pas encore complètement récoltée.

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