9 mars 2018 : séance de taille douce des arbres fruitiers à Wihr au Val

Le rendez-vous du jardinage écologique du 9 mars a été consacré à la taille douce des arbres fruitiers. Nous étions accueillis pour l’occasion chez la famille Ley à Wihr au Val, dont le jeune verger planté autour de la maison a servi d’exemple aux explications de Jean-Claude Naas, président des arboriculteurs du Val de Villé.

La séance a commencé par la présentation et surtout le nettoyage des outils : une désinfection à l’alcool fort (alcool à bruler par exemple) afin d’éviter de transmettre des maladies d’un arbre à l’autre au cours de la taille. Cette désinfection des outils (scie, sécateur, coupe-branche) doit être réalisée entre chaque arbre idéalement.

Un tuteur doit tenir l’arbre et non l’inverse !

L’observation des premiers arbres a incité Jean-Claude à rappeler que les piquets de tuteurage doivent tenir les jeunes arbres (et non l’inverse) pour leur permettre de résister aux coups de vent alors que leurs racines ne sont pas suffisamment développées en rapport à leur taille pour assurer un ancrage convenable dans le sol. Afin d’éviter les frottements du piquet sur les premières branches charpentières, les piquets sont coupés sous la couronne de l’arbre. Le fil de fer est à proscrire pour attacher les arbres car il risque à terme d’étrangler le tronc ou les branches. Privilégier des matériaux plus élastiques. Il existe dans le commerce du fil à attacher/lier spécialement conçu pour cela.

Jean-Claude Naas (au centre) et le groupe attentif à ses explications.

Dans les petits vergers familiaux, hormis les conduites palissées, la forme en gobelet est la plus couramment utilisée. Elle présente l’avantage d’aérer les branches et le feuillage (évite la prolifération des maladies liée à une humidité résiduelle dans d’éventuelles zones non aérées) et de faire entrer la lumière au centre de l’arbre. Dans le même registre, les coupes de branches sont réalisées en biais, pour faciliter l’écoulement de l’eau, c’est-à-dire pour éviter que l’eau stagne sur des coupes horizontales. Jean-Claude laisse à chaque coupe, en particulier pour les arbres à noyaux, un petit moignon de branche qui séchera avec le temps et se rétractera. Cela évite ainsi une rétractation des tissus qui pourrait générer un creux le long du tronc ou de la branche et faciliter la stagnation d’eau et la prolifération de maladies. La longueur du moignon égale le diamètre de la branche coupée.

Taille de formation et flux de sève

S’agissant de la taille de formation de l’arbre, il est conseillé de veiller à répartir le flux de sève : s’il se concentre sur une ou plusieurs branches dominantes, et si l’arbre est vigoureux, il risque de produire beaucoup de bois (longues pousses aussi appelées gourmands) au détriment des fruits. Dans cette optique, il est conseillé de supprimer l’axe central et de garder les départs plus excentrés au moment du choix des futures branches charpentières.

Les quetschiers sont généralement très vigoureux. Il est important de faire attention à la taille des branches qui montent : plus on rabat, plus ça pousse haut ! Il faut espérer une mise à fruits qui pliera les branches et réduira la vigueur. Le pliage des branches est d’ailleurs une technique pour réduire le flux de sève et faciliter la mise à fruits.

Dans tous les cas, en accord avec les indications mentionnées plus haut au sujet de la conduite en gobelet, il est important de supprimer les branches qui poussent vers l’intérieur et de laisser les branches charpentières sans ramifications sur les 30 à 40 cm à partir de leur embranchement. Le bois mort doit être retiré et par taille douce, il faut entendre qu’on peut retirer jusqu’à 20% environ de bois vert, pas plus, au risque sinon d’affaiblir l’arbre. Si l’on souhaite retirer plus de bois, il faut s’y prendre en plusieurs étapes, donc plusieurs années.

Sur les jeunes arbres, il arrive que dès les premières années des fleurs et des fruits se forment (particulièrement vrai sur les fruitiers à noyaux). Il est important, notamment sur les gros fruits comme la pêche, de supprimer les fruits la première année ou de n’en laisser que quelques-uns en fonction de la taille de l’arbre, pour ne pas épuiser l’arbre et favoriser son développement.

Taille de fructification

La taille de fructification a été peu abordée durant cette après-midi étant donnés la forme et l’âge des arbres du verger de la famille Ley. Toutefois, un beau pêcher du voisin, un peu envahissant en coin de clôture a permis à Jean-Claude de rappeler que le pêcher se prête bien à une taille plus sévère une fois adulte, notamment en vue de sélectionner les branches à fruits (les fleurs et fruits se forment majoritairement sur les branches de l’année précédente). Les rameaux les plus âgés peuvent être supprimés pour assurer un renouvellement en sélectionnant de jeunes branches qui les remplaceront. Cette opération de taille de fructification est souvent doublée d’un éclaircissage pour diminuer la charge en fruits et augmenter leur calibre, en ne conservant un nombre de fruits limité à 1 fruit tous les 10-15 cm environ (1 largeur de main).

Après suppression du bois mort et des branches trop basses mal placées, les plus belles pousses sont conservées sur le pêcher, les autres supprimées, pour diminuer la charge en fruits et augmenter leur calibre.

Quand tailler ?

La taille des arbres fruitiers à noyaux (abricotiers, pêchers, cerisiers, pruniers…) est préconisée après la récolte des fruits, alors que celle des fruits à pépins (pommes, poires, coings) est à réaliser durant l’hiver et jusqu’à la floraison pour le pommier.

Les arbres fruitiers n’aiment pas avoir les pieds dans l’eau

Le groupe de participants a observé un grand noyer dont une partie des branches meurt depuis plusieurs années. A la vue de la configuration du terrain Jean-Claude a émis l’hypothèse qu’il pouvait être situé sur une veine d’eau et les noyers n’aiment pas avoir les pieds dans l’eau. Remarque qui peut être élargie aux arbres fruitiers en général. Il arrive parfois que des aménagements dans le voisinage modifie les écoulements d’eau souterrains et affectent des arbres fruitiers auparavant sains. Afin de vérifier si le sol n’est pas engorgé en eau à l’endroit où l’on souhaite planter un futur arbre fruitier, Jean-Claude préconise lorsqu’on en a la possibilité de réaliser le trou de plantation 1 mois à 1 mois et demi avant la plantation, en hiver : si le trou se remplit d’eau, il convient de changer d’emplacement.

Cependant, les jeunes arbres ont besoin de disposer d’une ressource en eau et en nutriments suffisante. On veillera donc à les ménager de la concurrence des adventices autour du tronc, au moyen par exemple d’un paillage de broyat de branches (BRF) comme le pratique Jean-Claude. Le broyat aura également pour effet de maintenir l’humidité plus longtemps au pied de l’arbre au printemps et l’été. Il arrose à deux reprises ses arbres fruitiers au printemps avec du purin d’ortie.

Dessin signé Arnaud Heidet, réalisé in situ lors du rendez-vous du 9 mars.

Prendre soin des arbres

Au détour des explications sur la taille, Jean-Claude a livré quelques conseils sur la gestion sanitaire des arbres fruitiers.

La rouille grillagée qui atteint les feuilles de poirier opère son cycle sur un hôte secondaire pendant l’hiver : genévrier, thuyas. La présence de l’hôte secondaire dans l’environnement peut augmenter la pression de la maladie. En cas d’attaque, il est préconisé de retirer les feuilles malades (y compris au sol si elles sont tombées) et les bruler. Un purin de prêle peut limiter en préventif et en curatif le développement de la maladie.

Afin de renforcer la défense des arbres, Jean-Claude réalise des pulvérisations de purins de plantes, après la formation des fruits. Il alterne avec 10 jours d’intervalle un purin d’ortie, un purin de consoude et un purin de prêle. Pour leur préparation, il utilise 1 kg de plantes fraîches pour 10 litres d’eau de pluie. En pulvérisation, il dilue le purin à 5% dans de l’eau, à 10% quand il utilise le purin en arrosage.

L’observation et la taille de plusieurs pêchers ont permis d’évoquer la sharka, maladie virale dont la présence implique des dispositions légales de destruction des arbres fruitiers/vergers.

La cloque du pêcher fait partie des maladies courantes observables dans les vergers familiaux. La lutte passe par un traitement à base de cuivre ou de bicarbonate de potassium, en fin d’hiver ou au printemps quand les premières feuilles commencent à pointer (grossissement des bourgeons). En fonction de la sensibilité des variétés, la maladie peut être plus ou moins sévère pour le feuillage, qui repousse après qu’une première série de feuilles ait séchée.mais la maladie peut aussi conduire au dessèchement complet et à la mort de rameaux et branches. A la question de l’efficacité des coquilles d’œufs fraîches accrochées aux arbres, Jean-Claude a expliqué qu’à l’origine cette pratique était destinée à piéger les adultes de carpocapse du pommier, pratique d’ailleurs efficace qu’à la condition de retirer et détruire les coquilles d’œufs après le pic de vol du papillon ; sinon, on favorise le développement de sa population.

Astuce d’observation : des feuilles mortes qui ne tombent pas l’hiver sont un signe qu’elles ont été touchées par une maladie. De même des branches recourbées avec un angle s’approchant de 90° indiquent des piqures de pucerons qui ont dévié la croissance normale de la branche

Vous pouvez retrouver de précieuses indications dans les fiches de l’opération vergers de Benfeld et environs ou sur le guide édité en Wallonie sur la reconnaissance des ravageurs, maladies et auxiliaires au verger.